Un lutin de mes amis plantait des fleurs dans la rue, au pied d'un arbre de Judée.
C'était sa façon de lutter contre la mocheté et la puanteur de nos villes.
Comme souvent, le pied de cet arbre servait de décharge publique
et notre lutin, non content de planter de douces fleurs,
décida, pour fêter dignement leurs floraisons imminentes,
de leur offrir un parterre immaculé.
Muni d'un gant anti cochonnerie,
il nettoya donc tout le pourtour des divers détritus
qui pullulent habituellement dans ce genre d'endroit :
papiers, emballages plastiques, cannettes, etc.
Fier de son travail, il imaginait déjà les fleurs écloses le lendemain matin,
égayant la vie des centaines de personnes passant quotidiennement à cet endroit.
Hélas, au matin, les 4 jonquilles avaient été guillotinées traitreusement.
Très certainement pour être retenues en otage jusqu'à ce que mort s'en suive
dans une triste pièce sans vent, sans pluie et sans soleil.
Ainsi s'acheva d'une façon sadique
la douce vie de quelques jonquilles innocentes.
* * * * *
En attendant, les deux jonquilles survivantes n'en menaient pas large.
Elle passèrent la semaine recroquevillées dans leur bouton,
n'osant épanouir leur corolle au grand jour.
Hélas, les plantes ont ce désagrément de n'être pas des spécialistes de la fuite éperdue
qui est pourtant le mode de survie le plus efficace question sélection darwinienne.
N'ayant pas le choix, elles se résignèrent donc, tremblantes de toutes leurs feuilles,
à éclore quelques jours plus tard.
Horreur ! Malheur !
Le(la) sérial killeur(euse) les attendait en embuscade.
À peine écloses, elles furent fauchées aussitôt, l'une après l'autre,
sans que notre ami lutin ne puisse voir ne serait-ce que la couleur de leurs pétales.
Ainsi s'acheva leurs courtes vies...
Heureusement, il reste quelques espoirs...
Nos amies les jonquilles ont la bonne idée de garder quelques réserves
dans un oignon coffre fort, caché au fin fond de la terre.
Là, dans la noirceur et l'humidité tellurique, elle préparent l'avenir.
Et comptent bien retenter leur chance l'année prochaine.
* * * * *
PS : Et ceux qui veulent faire remarquer perfidement qu'il ne s'agit pas de jonquilles
mais de Narcissus pseudonarcissus
je leur répond qu'il ne faut pas couper les cheveux en quatre
ni les jonquilles en deux !
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Ci-dessous les photos du méfait
avec les deux jonquilles survivantes du premier carnage.
Où l'on voit qu'on se précipite pour décapiter les fleurs,
mais pas pour ramasser les détritus...
Mars 2017
Après la malheureuse affaire du sérial killer de jonquilles en 2017
la prophétie s'est réalisée.
Dans la noirceur de la Terre, les bulbes ont survécu et préparé leur retour.
Revoici venu le printemps.
Et cette année, la nature est belle !
(Les cannettes usagées poussent aussi, c'est que la lutte contre la bêtise humaine a ses limites ^^)
Mars 2018
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